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Chinée fortuitement sur le net, cette nouvelle traitant de cuisine est surprenante : "Fine bouche", cela ne s'invente pas, cela se déguste ! |
Prenons pour hypothèse de base que j'aie eu une personne à inviter pour
dîner. Un ennemi pourrait bien faire l'affaire mais on n'invite pas un
ennemi pour un dîner. Prenons donc cette hypothèse. Je connais quelqu'un
qui accepte de venir chez moi pour un repas. Admettons. Des fois, je ne m'en sors pas trop mal. L'autre soir, par exemple, j'ai fait chauffer de l'eau pour faire cuire des pâtes. Tout le monde croit que l'on ne peut pas réellement rater les pâtes. On vous dira qu'elles peuvent être trop ou pas assez cuites, qu'elles manquent de sel, qu'elles sont collantes. Moi, j'ai un don. Mes pâtes, je parviens à les faire puantes et d'une vraiment sale couleur. Je peux pas expliquer, ça vient tout seul. Au début, j'ai douté. J'ai cru que je m'y prenais mal et que je devais apprendre à cuisiner. J'ai acheter des livres. J'ai acheté les produits nécessaires et j'ai essayé. Une catastrophe ! Enfin, pour en revenir à cette soirée au cours de laquelle j'ai fait des pâtes, j'avais acheté un paquet de macaroni tout ce qu'il y a de plus normal. En vente libre dans tous les commerces. L'eau, c'était l'eau du robinet, la même que celle qui coule au robinet des autres locataires de l'immeuble. Le sel, c'était du sel. Bon. Je peux pas expliquer. Bref. Ça puait, c'était pas beau, mais au goût, sincèrement, c'était pas si catastrophique que ça. Je veux dire que souvent, c'est nettement pire. Au début, il y a eu des plaintes, dans l'immeuble. Je comprends. On prétendait que je faisais des choses bizarres chez moi. Une fois, même, les pompiers sont venus. Il y a eu jusqu'aux services départementaux des affaires sanitaires et sociales qui ont mené l'enquête. Deux fonctionnaires, qui refusaient de croire à mon don, ont tenté de rester dans la cuisine avec moi durant tout le temps de la préparation de mon repas. Il a fallu évacuer la demoiselle qui a eu un malaise. Ça a fait toute une histoire. J'ai un souvenir particulièrement ému pour des brocolis que j'avais acheté frais cueillis du matin au marché. J'avais décidé de les faire à la vapeur. On a cru que j'avais créé une sorte de nouveau gaz mortel dans tout le quartier ! Non, je vous assure, ça m'empoisonne vraiment, de ne pas pouvoir cuisiner comme tout le monde ! "Et pourquoi vous n'allez pas manger au restaurant plutôt que de nous nuire avec vos expériences ?", me dirent un jour des locataires ulcérés venus se plaindre. Pouvais-je leur dire que je n'aime pas beaucoup la cuisine que l'on y sert ?
de Michel LOISEAU. |